« Sexe qui rit », un documentaire d’Olivier Ghis, le 8/10 à 22h30 sur CANAL+ (DÉCONSEILLÉ AU MOINS DE 16 ANS)

LA FACE CACHEE DU CHARME : Dérision, satire et comédie dans le cinéma galant français

En 52 minutes, une anthologie joyeuse des moments les plus comiques du cinéma galant et un décryptage amusé des raisons pour lesquelles ce genre, à priori destiné à tout autre chose, recèle des trésors d’humour (souvent volontaire, parfois pas du tout).

Nous balaierons ainsi un siècle de 7e art, de sa naissance (l’un des opérateurs de Georges Méliès ne fut-il pas arrêté pour trafic de petites bandes érotiques ? L’un des tous premiers films coquins ne fut-il pas une parodie des « Trois Mousquetaires » ?) à nos jours, pour comprendre comment ce cinéma, sans oublier sa vocation première (donner à fantasmer) s’est ingénié à faire rire, sourire, voire réfléchir.

Pour ce faire, rien de tel qu’un décor évoquant l’âge d’or du film de charme (Le Comptoir Général, 80, quai de Jemmapes, 75010 Paris), cette parenthèse enchantée qui vit des cinéastes confirmés comme Paul Vecchiali (« Change pas de main », 1975) ou Claude Berri (« Sex Shop », 1971) mettre leur talent au service d’un cinéma plus explicite.

Et qui dit explicite dit explications et par conséquent quelques beaux esprits. En égrenant les souvenirs, les anecdotes et les analyses de quelques exégètes – de Jean-François Rauger (Cinémathèque Française, dont la curiosité va bien chercher davantage dans le cinéma de genre, le bis, le bizarre, que dans les œuvres complètes d’Eisenstein) à Christophe Bier (auteur d’un « Dictionnaire des longs métrages français érotiques »), en passant par Christian Libert (distributeur, Blue One, qui veille sur le destin de tous les films de Brigitte Lahaie), Yannick Perrin (réalisateur, auteur notamment des « Majorettes », version hilarante et délurée de « Certains l’aiment chaud »), Fred Coppula (producteur, JTC, qui initia, entre autres avec « La soirée de connes », une série de pastiches des grands succès du cinéma) ou Michel Reilhac (directeur d’Arte France Cinéma et collectionneur passionné des incunables – comme diraient les bibliophiles – du cinéma coquin) – nous verrons que ce cinéma dit « léger » est souvent plus drôle qu’il n’y paraît : autrement dit, qu’il sollicite autant l’esprit que la chair et qu’en matière d’humour il lui arrive d’égaler Guitry ou Mocky.

Et pour en témoigner, un dessin vaut bien sûr mieux qu’un long discours : de nombreux extraits, issus de titres aussi divers que « Cour du soir pour monsieur seul », « La sexualité au travail ou l’amour au bureau » ou encore, plus récemment, des détournements de films tels que « Bienvenue chez les Ch’tites coquines» ou d’émissions phares de la télé réalité comme « Pascal, le grand frère… » nous dirons comment ce cinéma se plait à questionner son époque, dévisser les icones « mainstream » et s’amuser des phénomènes de la culture de masse.

Car l’industrie du charme sait qu’elle intéresse tout un chacun. L’an dernier, selon Google, un tiers des recherches sur Internet concernait des contenus pour adultes. Soit 68 millions de requêtes par jour et, chaque seconde, 28 000 internautes rivés sur une image licencieuse.

Certes, à priori, on n’imagine pas ces spectateurs animés des mêmes sentiments que les habitués de la Comédie-Française. Et pourtant… là aussi, très souvent, il y a un texte, un titre (c’est important – on y reviendra), des choix de mise en scène, un découpage, bels et bien destinés au dessus de nos ceintures.

D’où une multitude de boutades, de situations cocasses, de traits d’esprits, un large éventail de scènes satiriques, d’intentions parodiques, bref, tout un cinéma qui s’emploie à se moquer du monde, à en signaler les travers et les hypocrisies, fus-ce par le biais de scènes légères.

Car le cinéma coquin, s’il en fait jouir quelques uns, en réjouit beaucoup d’autres (c’est peut-être l’inverse mais les statistiques manquent souvent sur le sujet). Et pour se faire, il a bien des cordes à son arc.

Il s’amuse d’abord, c’est bien normal, de son antithèse : le travail. Tous les corps de métiers y passent : du plus prestigieux au plus obscur… avec une prédilection pour l’autorité (qui en prend ainsi pour son grade : c’est le côté gentiment anar du cinéma érotique). Du policier à la soubrette, du médecin au dépanneur, en passant par l’avocate, l’hôtesse de l’air ou la boulangère : les exemples abondent. Christian Libert, qui connaît par cœur le catalogue FFCM/Blue One (où l’on trouve tous les classiques érotiques des années 70), et Michel Reilhac, qui collectionne depuis 20 ans les raretés du genre, nous éclaireront sur ce point. Avec des extraits tirés de films comme « Les femmes des autres » ou « Mes nuits avec… », ils nous diront comme le détournement des fonctions socioprofessionnelles amuse ou séduit.

Mais le cinéma de « charme » a aussi le goût du vaudeville : il use alors de ficelles du « boulevard » pour pimenter son propos. Il joue ainsi sur l’incongruité des situations, le ridicule des personnages ou le décalage flagrant entre ce qui se dit… et ce qui se fait. Labiche n’aurait pas été plus heureux ! Nous verrons avec Yannick Perrin, qui signa notamment une version égrillarde de « Camping », et Jean-François Rauger, fin connaisseur du genre, comment les ressorts du comique viennent torpiller les postures machistes, les clichés virils ou l’apparent bonheur des couples. Que l’on évoque « Belle d’un soir », « Les femmes mariées » ou « Fièvres nocturnes » : tous ces films renvoient avec une ironie consommée aux contradictions aux masques, dissimulations et petits aménagements moraux d’une France moins libérée qu’elle ne le dit.

Cinéma marginal, dérangeant, longtemps censuré et confiné aux arrières boutiques, le film de charme s’est aussi fait une spécialité de bousculer les convenances, d’égratigner plus ou moins gentiment l’ordre moral et culturel. D’où son goût du pastiche (« Matrix » devient « Matrique », « Star Wars » vire au « Porn Wars »), du détournement, du titre amusant ou imagé (« C’est plus facile de garder la bouche ouverte », « Quand, comment et avec qui ? »), qui placent d’entrée le spectateur en situation de complice d’une entreprise qui entend bien, via quelques grivoiseries, relativiser les succès du box-office et les engouements de l’air du temps, dérider les sérieux, les pédants et les tristes sires. Fred Coppula, grand inventeur de titres devant l’éternel (« Bienvenue chez les Ch’tites coquines », c’est lui) ou encore Christophe Bier, dont la vidéothèque regorge de trésors qui feraient sourire un Pierre Dac, nous éclaireront sur ce penchant très singulier – et forcément sympathique – du cinéma de charme.

Dernier ressort du comique dans ce cinéma… l’humour involontaire. Et là, on peut dire que le « charme » est carrément champion toute catégorie ! Mêmes les séries Z d’Ed Wood, avec des effets spéciaux plus fauchés que spéciaux et leurs outrances risibles sont moins drôles. Les archives débordent d’acteurs en panne, de mauvaise post synchro, de scènes commencées au Maroc et finies dans les Alpes (on passe du palmier au pin en deux répliques : très fort !), de comédiennes qui dégringolent du tabouret en plein élan sensuel, de scénarii foutraques, etc. On pourrait en faire un bêtisier géant. En la matière, les archives d’un Michel Reilhac, riches en ratages et approximations cinématographiques, comme les souvenirs de réalisateurs ou d’acteurs aussi ironiques que Phil Hollyday, Lou Charmelle, Brigitte Lahaie, Richard Allan, Titof ou Pierre Moro (qui sont souvent les premiers à se moquer d’eux-mêmes), nous ferons revivre, extraits à l’appui, ces moments où le film de « charme » bascule dans l’absurde. A titre d’exemple – et en guise de mise en bouche – on citera cette fameuse réplique du réalisateur David Carol, qui, répondant à la question « comment écrivez-vous vos scénarios ? », dit tout naturellement : « je tourne d’abord. Je les écris ensuite ». On mesure le potentiel comique d’une telle démarche !

Bref, volontairement ou malgré lui, le cinéma érotique est parfois plus comique que les comédies : personne ne s’en plaindra.

Intervenants :
. Jean-François Rauger (directeur de programmation, Cinémathèque Française)
. Christophe Bier (critique et historien)
. Christian Libert (distributeur, Blue One)
. Yannick Perrin (réalisateur)
. Fred Coppula (producteur, JTC)
. Michel Reilhac (directeur d’Arte France Cinéma et collectionneur)
. Brigitte Lahaie (actrice)
. Richard Allan (comédien)
. Lou Charmelle (actrice)
. Pierre Moro (réalisateur)
. Titof (comédien)
. Dimitri Largo (journaliste, VCV)
. Jean-François Davy (réalisateur)

Dans LE SEXE QUI RIT, Olivier Ghis revient sur un siècle de septième art, de sa naissance à nos jours, pour comprendre comment le cinéma pornographique, sans oublier sa vocation première, s’est ingénié à faire rire, sourire et pourquoi pas réfléchir. Ces trésors d’humour s’avèrent souvent volontaires, mais parfois pas du tout…