« L’Esprit Charlie Hebdo », pour 66 Minutes, diffusé le 11/01 sur M6

Après les trois jours qui ont marqué notre pays à jamais, CAPA et 66 Minutes ont choisi de montrer qui était cette bande d’amis qui alliait, depuis plus de vingt ans, dessin satirique et journalisme. Il y a 3 ans nous étions au cœur de leur rédaction. La semaine dernière, nous avons rencontré leurs proches et leurs familles. Depuis la tuerie, ils oscillent entre un immense chagrin et la stupéfaction.

Charlie Hebdo trois ans plus tôt. Luz, Tignous, Charb et Cabu, tantôt concentrés, tantôt hilares, débattent, comme chaque semaine, de la couverture du mercredi suivant. Leur credo : s’en prendre aux hommes de pouvoir et déconstruire l’image qu’ils se sont fabriquée, pour donner au lecteur de quoi en refabriquer une, peut-être plus juste. Ou, pour le dire à leur manière, « se foutre de la gueule des gros cons ».

Ces irréductibles se battent ou se battaient pour une liberté d’expression – et de blasphème – autrefois durement gagnée. Les caricatures de Mahomet réalisées par Cabu, le procès et le non lieu qui s’en sont suivi a été une piqure de rappel que l’on doit au journal : dans une société laïque et pluraliste, le respect de toutes les croyances doit aller de pair avec la libre-critique des religions.

Au lendemain de l’attentat, les proches des victimes réagissent, chacun à sa façon. Le journaliste Antonio Fischetti et le dessinateur Luz se remettent au travail. Le journal doit continuer. Caroline Fourest, elle, était une amie du rédacteur en chef : « je crois que Charb aurait halluciné qu’on sonne les cloches de Notre-Dame pour eux. Que Christine Boutin ait prié pour eux. Qu’Arnold Schwarzenegger se soit abonné, que Poutine ait aussi rendu hommage ».

Parmi les proches de ces trublions du crayon, il y avait aussi l’éditeur Jean Cyrille Godefroy, l’un des plus vieux amis de Cabu. Pour lui, la société a changé, laissant une place trop importante au politiquement correct. Et puis, les enfants de Mustapha Ourad, le correcteur de Charlie, qui ont perdu un modèle : « quelqu’un qui était parfait, en tant que père et en tant qu’homme ». Et les proches d’Elsa, la psychiatre qui publiait une chronique intitulée « le Divan », deux fois par mois. Sa soeur, son frère et sa belle-soeur se rendent chez elle pour la première fois depuis le massacre. Son bureau, son divan de psy, un chat, des clopes. Ici tout leur rappelle celle qui a laissé derrière elle une fille de vingt ans et, comme tous ses copains du journal, un très grand vide.

« L’Esprit Charlie Hebdo », un film de Ibar Aibar, Anthony Orliange, Rola Tarsissi, Nicolas Combalbert, Julie Pellet et Constance de Guernon.