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Interruption volontaire de grossesse : la loi Veil fête ses 40 ans

C’était il y a 40 ans, jour pour jour. Le mardi 26 novembre 1974, Simone Veil défend sa loi en faveur de l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Ses détracteurs l’accusent de promouvoir l’euthanasie, l’eugénisme, voire une forme de « barbarie nazie ». Le comble de l’insulte pour cette rescapée de la Shoah. Après un discours historique, la jeune ministre de la Santé parvient à faire passer à l’Assemblée, puis au Sénat, ce qui demeure une étape fondamentale dans le processus de libération de la femme.

Jusqu’alors, pour avorter, les femmes devaient se rendre en Suisse, en Hollande ou en Angleterre pour les plus aisées d’entre elles. Pour les autres, la majorité, pas d’autre choix que les bien mal nommées « faiseuses d’anges », qui officiaient sur la table de la cuisine ou dans la salle de bain. Parfois, leurs « patientes » y laissaient la vie. Pour faire cesser cette situation insupportable, madame Veil a fait fi du jugement conservateur de l’Eglise et de l’Ordre des médecins, radicalement opposés à cette proposition.

Le « manifeste des 343 salopes », influente pétition signée en 1971 par de nombreuses personnalités, telles que Catherine Deneuve, Françoise Sagan, ou Jeanne Moreau, est un bel exemple de l’ampleur de la polémique.

En janvier 1975, la loi est promulguée. Avorter pour des raisons non-médicales n’est plus un délit.

Les femmes peuvent enfin disposer de leur corps comme elles le désirent. Elisabeth Badinter, qui s’exprimait ce matin sur France Inter, rappelle très justement que cette liberté est assez récente : « Il n’est pas si loin le temps où, lors d’un accouchement très difficile, on demandait au père s’il fallait sauver la mère ou l’enfant. […] En dernier ressort c’est [l’homme] qui décidait ».

Valérie Manns et Richard Puech, tous deux journalistes, ont réalisé en 2010 pour France 2 le documentaire « Simone Veil, une loi au nom des femmes ». Ils reviennent sur un combat historique, auquel prirent part toutes les catégories de la société civile.

« Ces débats, diffusés en direct à la télévision, ont marqué tous ceux qui les ont vu », racontent Richard Puech. « Certains députés, pour des raisons personnelles, parfois religieuses, étaient contre l’avortement. Mais en même temps ils avaient conscience du fait que la société étaient en train de changer, et que la situation des femmes était désastreuse et injuste. Pour la société, les choses devaient avancer », ajoute Valérie Manns.

« LE TABOU DU VIOL : L’appel de Clémentine Autain », un article paru dans le Nouvel Observateur du 12/07/2012

Le Nouvel Observateur Vous avez révélé dans un livre avoir été violée. Pourquoi transformer cette épreuve en cause politique ?

Clémentine Autain :

Quand ça m’est arrivé, je n’étais pas féministe. Dans mon esprit, j’avais été victime d’un malade mental, point à la ligne. Et puis on m’a expliqué qu’un lien existait entre patriarcat et viol. J’ai lu Simone de Beauvoir, Christine Delphy. Je n’étais plus seule dans mon histoire personnelle face à un fou dangereux, mais inscrite dans une histoire sociale, celle des rapports entre les sexes. Le viol est l’expression ultime de la domination masculine. Le placer dans le champ politique, c’est le situer là où l’on peut le combattre.
Comment comptez-vous faire ?

Je lance ici un appel à toutes les femmes qui ont été victimes d’un viol : célèbres ou inconnues, faites-vous connaître à l’adresse violmanifeste@nouvelobs.com.

Constituons une parole collective et publique forte. Pour qu’enfin change le regard porté sur ce crime, pour permettre aux victimes de se reconstituer, pour que ne pèse plus sur elles cette suspicion, comme s’il n’était pas certain que le viol a eu lieu. Libérons la parole sur le viol. Soyons courageuses, comme nos aînées signataires du « Manifeste des 343 salopes » publié par « le Nouvel Observateur » en 1971. Elles menaient le combat qui a conduit au droit d’avorter en toute légalité. Finissons-en avec le tabou du viol.

Qu’attendez-vous des pouvoirs publics ?

Qu’ils facilitent le dépôt de plaintes. Seul un viol sur huit en fait l’objet. L’homme qui m’a agressée était multirécidiviste. Sur près de trente victimes, seules trois sont allées au procès. Si les autres avaient pu parler, aurais-je été violée ? Il faut former les personnels de justice, les policiers, mener des campagnes d’information, car les gens ne connaissent pas la vérité sur le viol. C’est un fait banal et massif. En France, une femme est violée toutes les huit minutes.

Propos recueillis par ELSA VIGOUREUX

(*) France 2 diffusera à la rentrée un documentaire événement sur le viol. « Le Nouvel Observateur » et l’agence Capa sont associés à cette émission.