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« LE TABOU DU VIOL : L’appel de Clémentine Autain », un article paru dans le Nouvel Observateur du 12/07/2012

Le Nouvel Observateur Vous avez révélé dans un livre avoir été violée. Pourquoi transformer cette épreuve en cause politique ?

Clémentine Autain :

Quand ça m’est arrivé, je n’étais pas féministe. Dans mon esprit, j’avais été victime d’un malade mental, point à la ligne. Et puis on m’a expliqué qu’un lien existait entre patriarcat et viol. J’ai lu Simone de Beauvoir, Christine Delphy. Je n’étais plus seule dans mon histoire personnelle face à un fou dangereux, mais inscrite dans une histoire sociale, celle des rapports entre les sexes. Le viol est l’expression ultime de la domination masculine. Le placer dans le champ politique, c’est le situer là où l’on peut le combattre.
Comment comptez-vous faire ?

Je lance ici un appel à toutes les femmes qui ont été victimes d’un viol : célèbres ou inconnues, faites-vous connaître à l’adresse violmanifeste@nouvelobs.com.

Constituons une parole collective et publique forte. Pour qu’enfin change le regard porté sur ce crime, pour permettre aux victimes de se reconstituer, pour que ne pèse plus sur elles cette suspicion, comme s’il n’était pas certain que le viol a eu lieu. Libérons la parole sur le viol. Soyons courageuses, comme nos aînées signataires du « Manifeste des 343 salopes » publié par « le Nouvel Observateur » en 1971. Elles menaient le combat qui a conduit au droit d’avorter en toute légalité. Finissons-en avec le tabou du viol.

Qu’attendez-vous des pouvoirs publics ?

Qu’ils facilitent le dépôt de plaintes. Seul un viol sur huit en fait l’objet. L’homme qui m’a agressée était multirécidiviste. Sur près de trente victimes, seules trois sont allées au procès. Si les autres avaient pu parler, aurais-je été violée ? Il faut former les personnels de justice, les policiers, mener des campagnes d’information, car les gens ne connaissent pas la vérité sur le viol. C’est un fait banal et massif. En France, une femme est violée toutes les huit minutes.

Propos recueillis par ELSA VIGOUREUX

(*) France 2 diffusera à la rentrée un documentaire événement sur le viol. « Le Nouvel Observateur » et l’agence Capa sont associés à cette émission.

« Le Crime Invisible » un film d’Etelle Higonnet et Raynald Lellouche, le 18/05 à 20h40 sur Planète

Ce documentaire révèle, à travers les témoignages de victimes, les violences sexuelles perpétrées contre les femmes en toute impunité en Côte d’Ivoire pendant la guerre civile (2002 – 2007).

La parole de ces femmes, qui ont toutes fui leur pays, a un écho particulier au moment où la Côte d’Ivoire vit de nouveau dans un climat de guerre civile après l’élection présidentielle et la chute de Laurent Gbagbo.

Etelle Higonnet, juriste qui a travaillé pour des ONG comme Human Right Watch, a enquêté sur ces crimes de guerre, un « crime invisible », dont personne ne veut parler en Côte d’Ivoire car il a été commis par des hommes de tous les partis.

Douze journalistes femmes de renom ont accepté de prêter leur voix à ce documentaire pour que le crime invisible ne le soit plus. Un engagement pour l’information et le respect des droits humains.
C’est l’histoire d’un crime invisible. Un crime silencieux. Un crime que les hommes veulent passer sous silence. Un crime que les femmes ne pourront jamais oublier. Le viol, comme arme de guerre, en Côte d’Ivoire.

Dans ce pays divisé et ravagé par dix ans de guerre civile entre le gouvernement ivoirien et des groupes rebelles, les hommes armés dans chaque camp ont utilisé le viol comme arme politique. Ce sont les femmes qui paient. On estime qu’une femme sur dix a été violée pendant le conflit. Ce film raconte leur histoire, leur donne la parole au moment où les anciens belligérants, les Hommes, font de nouveau sombrer le pays dans la guerre suite à l’élection présidentielle contestée du 28 novembre.

Pour des dizaines de milliers de femmes ivoiriennes, pauvres ou riches, musulmanes ou chrétiennes, qu’elles appartiennent aux ethnies Mandé, Krou, Akan ou Dioula, la « paix des Hommes » ne sera jamais pour elles. Elles s’appellent Mariam, Adiala, Aminata, Rose ou encore Sabine. Avec leurs mots ou leur corps elles racontent l’indicible. Pour témoigner, pour survivre, pour dénoncer, mais aussi, parfois, pour pardonner, et accepter l’enfant né après le viol.

Cibles politiques, victimes de crimes de guerre restés impunis, ces femmes rejoignent la cohorte des millions de femmes qui chaque année dans le monde, à chaque nouvelle crise, sont les premières victimes de la haine et de la barbarie des hommes.

Ce sont aussi des survivantes et des héroïnes, se démenant pour gagner leur vie, trouvant le courage de jouer avec leurs enfants, chantant ensemble à l’église… En dépit de la dégradation et la violence qu’elles ont subies, elles nous parlent avec un aplomb et une force presque surhumaine. Ce sont elles qui font revivre leurs familles et leurs communautés après l’indicible. Leurs histoires nous amènent donc à travers les abîmes de l’horreur vers l’espoir. LE CRIME INVISIBLE révèle la force et la beauté de l’esprit humain face à la tragédie.

Douze journalistes femmes de renom ont accepté de prêter leur voix à ce documentaire pour que le crime invisible ne le soit plus.

Le commentaire lu à plusieurs voix crée « une chaîne de solidarité » entre ces femmes pour lever le voile sur ce sujet qui nous concerne tous, même si cela se passe en Côte d’Ivoire. La mobilisation de ces journalistes femmes marque leur engagement pour l’information et le respect des droits humains.

Les douze voix :
– Maïtena Biraben
– Pascale Clarke
– Florence Dauchez
– Marie Drucker
– Laurence Ferrari
– Carole Gaessler
– Isabelle Giordano
– Anne-Sophie Lapix
– Patricia Loison
– Ariane Massenet
– Daphné Roulier
– Caroline Roux